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Prophylaxie et paratyphose

Prophylaxie et paratyphose

Cet article fait suite à une question que m’a posé un colombophile en message privé et que j’ai trouvé très intéressante à débattre. Voici la question :

« Je connais plusieurs amis colombophiles qui font systématiquement une cure à base d’antibiotique contre la paratyphose après la saison de concours, qu’est ce que vous en pensez ? »

J’en pense que c’est une très bonne question, avec une réponse beaucoup plus complexe qu’on ne pourrait le penser.

Avant d’y répondre, je pense qu’il est important de se rappeler ou d’en apprendre plus sur cette maladie.

La paratyphose est une maladie « bactérienne » (à l’opposée d’autres maladies très connue déjà abordées comme les poquettes, l’adenovirus, la paramyxovirose,… qui sont des maladies virales, ou la trichomonose, la coccidiose,.. qui sont quant à elles des maladies parasitaires) cette classification est très importante car pour cette fois, et contrairement à tous les autres exemples cités, le traitement de cette maladie s’effectue bien grâce à un antibiotique. La bactérie responsable de cette maladie est une bactérie bien connue qui s’appelle « salmonella ».

Faisons un peu plus connaissance avec elle.

Cette bactérie est avant tout une bactérie qui attaque le système digestif en premier lieu. Elle se multiplie dans l’intestin, et crée une entérite avec comme conséquence, de la diarrhée, un mauvais état général du pigeon, de la faiblesse,…

Mais cette bactérie possède également la capacité de traverser la paroi de l’intestin, et de passer dans le sang créant ce que l’on appelle une septicémie. A partir de ce moment là, le pigeon peut voir son état général se dégrader encore plus (parfois des mortalités, surtout chez les jeunes pigeons). Et enfin une fois dans le sang, cette bactérie peut s’aventurer et créer des problèmes dans plusieurs organes comme par exemple les articulations (créant des arthrites septiques, avec rarement des articulations gonflées formant des boules comme on a déjà tous vu sur des photos un jour), le système reproducteur femelle (créant ce qu’on appelle des « Salpingite », ou des infections des ovaires, qui entraineront la production d’œufs clairs, d’œufs noirs, ou même arrêtera la ponte).

La bactérie possède également la capacité d’infecter certains pigeons sans pour autant provoquer la « maladie » chez ce pigeon », il deviendra ce que l’on appelle un « porteur sain » mais qui continuera potentiellement à excréter la bactérie et contaminer les autres pigeons.

Le traitement de cette bactérie doit être « FORT et LONG », justement pour essayer d’éradiquer complètement la maladie et de ne pas créer par la même occasion des « porteurs sains ». Le traitement doit se faire avec un antibiotique. Attention malgré tout, la salmonelle, comme d’autre bactérie a tendance à devenir de plus en plus résistante à certains antibiotiques. C’est ainsi que certaines souches de Salmonella sont devenues résistantes à beaucoup d’antibiotiques. Cela implique que l’on peut traiter contre la bactérie avec des antibiotiques que l’on croit efficace, mais qu’en réalité, on passe complètement à côté de la plaque, et que l’antibiotique a donc comme effets, tout sauf l’effet recherché. Couramment, on rencontre donc des souches résistantes à des antibiotiques pourtant logiquement efficaces, comme le theraprim, le baytril, le parastop® (attention, sans être sûr de moi, je ne pense pas que ce médicament soit enregistré en Belgique pour le pigeon, il est donc « théoriquement interdit, mais je me trompe peut-être car je n’utilise jamais ce médicament »

L’autre moyen de protéger ses pigeons est de vacciner. A l’heure actuelle, il n’existe plus de vaccin disponible enregistré en Belgique. Il est donc nécessaire d’utiliser un vaccin importé.

Il existe 2 types de vaccins. Les vaccins « vivants » et les vaccins « mort », les premiers pouvant avoir un protocole de vaccination à une seule injection, les seconds nécessitent 2 injections à 3 semaines d’intervalle. Personnellement je préfère utiliser un vaccin mort, qui malgré l’inconvénient de devoir vacciner « 2 fois » la première année, puis un rappel annuel, possède l’avantage de créer moins d’effets secondaire lors de l’administration.

Voilà, tout ceci étant expliqué, nous revoici maintenant à notre question de base. Est-il intéressant de traiter nos pigeons avec un antibiotique contre la paratyphose après les concours ?

Les arguments pouvant pousser pour le « oui » sont que, effectivement, vu la possibilité de portage asymptomatique de certains pigeons. Il est possible que les pigeons soient porteurs de la maladie sans que vous ne le remarquiez vraiment et donc pourrait créer des problèmes durant la période d’élevage par exemple. Cet argument est je pense le seul argument qui me pousserait à répondre « oui » à cette question

Les arguments poussant vers le « non » sont que :

- Tout d’abord cette maladie est plus rare que l’on a tendance à le penser. En effet, beaucoup de colombophiles voyant un pigeon avec une aile pendante n’hésite pas à penser et à clamer que c’est la paratyphose. Hors, pratiquement à chaque fois, il ne s’agit bien sûr pas de paratyphose mais juste une lésion mécanique (entorse, contraction musculaire, déchirure musculaire, tendinite,…) qui sont beaucoup plus fréquente dans ce genre de symptôme.

- Ensuite, comme toujours, si vos pigeons sont en bonne santé, effectuer un traitement antibiotique va, comme déjà expliqué, complètement détruire la flore de votre pigeon et laisser de la place cette fois à des bactéries potentiellement problématiques (alors que tout allait bien, c’est quand même dommage)

- Les résistances de plus en plus nombreuses aux antibiotiques de cette bactérie entraine que vous pouvez très bien avoir des pigeons « porteurs » de la bactérie, traiter avec un antibiotique, et au final, ne rien régler du problème car la souche de salmonella présente dans votre pigeonnier aura accueilli cet antibiotique comme si vous leur donniez de l’eau pure, et se portera d’antant mieux après votre traitement. Alors que vous penserez naïvement que vous ne courrez aucun risques.

- Et la dernière qui est la pire de toutes, combien de fois n’ai je pas entendu un colombophile pensant « vacciner » ses pigeons avec un traitement antibiotique, et donc être tranquille grâce à ce « traitement » pour un an. Ceci est bien sûr ARCHI-FAUX. Réalisez un traitement complet antibiotique contre la paratyphose, et faite entrer un pigeon porteur de paratyphose la semaine qui suit sans votre pigeonnier, tout vos pigeons sont à nouveau susceptible d’attraper la maladie.

Bref, en voyant cela, vous aurez compris mon avis, qui est que même si dans certains cas, on pourrait croire justifié de réaliser ce traitement antibiotique « préventif » comme certain l’appellent. En réalité, les arguments pour le « non » sont beaucoup plus important. Et montre que 99 fois sur 100 vous raterez votre objectif avec ce traitement. Au mieux car vos pigeons ne sont pas malades et vous traitez pour rien. Au pire car une souche de salmonella est bien présente mais elle est complètement résistante à l’antibiotique que vous avez utilisé.

Vous allez me dire, merci pour cette belle leçon… mais dans tout cela vous ne donnez pas de solutions alternatives. Et bien si, elles arrivent. Et elles sont au nombre de 2.

-La première, comme discuté un peu plus haut, est de vacciner vos pigeons contre cette maladie avec un vrai « vaccin », et non pas « vacciner avec un antibiotique ».

Mais je sais également que certains colombophiles sont plutôt réfractaires à l’idée de devoir réaliser une vaccination « en plus » des autres.

-Voilà donc la 2eme solution. Plutot que de traiter à l’aveugle tous les pigeons avec un antibiotique aléatoire, il est par contre beaucoup plus intéressant, en cas de doutes de présence de la maladie suite à certains symptômes, ou en fin de saison pour ceux qui voudraient être sûr que la bactérie n’est pas présente de réaliser une analyse. En effet, une recherche par culture de la bactérie. Cette recherche est tellement simple, et au final pas du tout plus cher qu’un traitement de 10 à 15 jours (durée minimum pour éradiquer la bactérie si elle est présente). L’échantillon est pris dans les cloaques de plusieurs pigeons (ceux qui ont l’air le moins en forme) ou dans un mélange de matière fécale fraiches. Envoyé au labo, et 4 jours plus tard, on reçois non seulement la réponse de la présence ou non de la bactérie, mais en plus l’antibiogramme complet des antibiotique efficaces contre la souche de bactérie qui touche « vos » pigeons. Et donc par le fait même on connaît l’antibiotique le plus efficace pour l’éradiquer.

Donc si la réponse est négative… pas de traitement, tout le monde va bien.. si la réponse est positive, on traite « FORT et LONGTEMPS » mais avec la certitude de l’éfficacité du traitement.

Cela me paraît scientifiquement, et surtout « logiquement » une technique beaucoup plus intéressante que de jouer à l’apprenti sorcier avec ses pigeons. Regardez bien, au final… qui sont les seules personnes à vous conseiller ces cures « préventives »… les producteurs de médicaments, les firmes pharmaceutiques… pourquoi ? Ben la réponse est simple, pour vendre des médicaments, et gagner encore un peu plus d’argent.. Tout ceci n’est que du commerce, et, « et tous mes confrères le confirmeront », un moyen de s’enrichir à l’encontre de tout bon sens de la médecine vétérinaire.

Voilà… J’espère que ma réponse a été plutôt claire. A nouveau, elle ne reflète que mon avis de vétérinaire (partagé par la plupart de mes collègues), et on a le droit d’en débattre.

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