top of page

Prophylaxie et paratyphose

Prophylaxie et paratyphose

Docteur vétérinaire Nicolas Schoonheere

Cet article fait suite à une question que m’a posé un colombophile en message privé et que j’ai trouvé très intéressante à débattre. Voici la question :

« Je connais plusieurs amis colombophiles qui font systématiquement une cure à base d’antibiotique contre la paratyphose après la saison de concours, qu’est ce que vous en pensez ? »

J’en pense que c’est une très bonne question, avec une réponse beaucoup plus complexe qu’on ne pourrait le penser.

Avant d’y répondre, je pense qu’il est important de se rappeler ou d’en apprendre plus sur cette maladie.

La paratyphose est une maladie « bactérienne » (à l’opposée d’autres maladies très connue déjà abordées comme les poquettes, l’adenovirus, la paramyxovirose,… qui sont des maladies virales, ou la trichomonose, la coccidiose,.. qui sont quant à elles des maladies parasitaires) cette classification est très importante car pour cette fois, et contrairement à tous les autres exemples cités, le traitement de cette maladie s’effectue bien grâce à un antibiotique. La bactérie responsable de cette maladie est une bactérie bien connue qui s’appelle « salmonella ».

Faisons un peu plus connaissance avec elle.

Cette bactérie est avant tout une bactérie qui attaque le système digestif en premier lieu. Elle se multiplie dans l’intestin, et crée une entérite avec comme conséquence, de la diarrhée, un mauvais état général du pigeon, de la faiblesse,…

Mais cette bactérie possède également la capacité de traverser la paroi de l’intestin, et de passer dans le sang créant ce que l’on appelle une septicémie. A partir de ce moment là, le pigeon peut voir son état général se dégrader encore plus (parfois des mortalités, surtout chez les jeunes pigeons). Et enfin une fois dans le sang, cette bactérie peut s’aventurer et créer des problèmes dans plusieurs organes comme par exemple les articulations (créant des arthrites septiques, avec rarement des articulations gonflées formant des boules comme on a déjà tous vu sur des photos un jour), le système reproducteur femelle (créant ce qu’on appelle des « Salpingite », ou des infections des ovaires, qui entraineront la production d’œufs clairs, d’œufs noirs, ou même arrêtera la ponte).

La bactérie possède également la capacité d’infecter certains pigeons sans pour autant provoquer la « maladie » chez ce pigeon », il deviendra ce que l’on appelle un « porteur sain » mais qui continuera potentiellement à excréter la bactérie et contaminer les autres pigeons.

Le traitement de cette bactérie doit être « FORT et LONG », justement pour essayer d’éradiquer complètement la maladie et de ne pas créer par la même occasion des « porteurs sains ». Le traitement doit se faire avec un antibiotique. Attention malgré tout, la salmonelle, comme d’autre bactérie a tendance à devenir de plus en plus résistante à certains antibiotiques. C’est ainsi que certaines souches de Salmonella sont devenues résistantes à beaucoup d’antibiotiques. Cela implique que l’on peut traiter contre la bactérie avec des antibiotiques que l’on croit efficace, mais qu’en réalité, on passe complètement à côté de la plaque, et que l’antibiotique a donc comme effets, tout sauf l’effet recherché. Couramment, on rencontre donc des souches résistantes à des antibiotiques pourtant logiquement efficaces, comme le theraprim, le baytril, le parastop® (attention, sans être sûr de moi, je ne pense pas que ce médicament soit enregistré en Belgique pour le pigeon, il est donc « théoriquement interdit, mais je me trompe peut-être car je n’utilise jamais ce médicament »

L’autre moyen de protéger ses pigeons est de vacciner. A l’heure actuelle, il n’existe plus de vaccin disponible enregistré en Belgique. Il est donc nécessaire d’utiliser un vaccin importé.

Il existe 2 types de vaccins. Les vaccins « vivants » et les vaccins « mort », les premiers pouvant avoir un protocole de vaccination à une seule injection, les seconds nécessitent 2 injections à 3 semaines d’intervalle. Personnellement je préfère utiliser un vaccin mort, qui malgré l’inconvénient de devoir vacciner « 2 fois » la première année, puis un rappel annuel, possède l’avantage de créer moins d’effets secondaire lors de l’administration.

Voilà, tout ceci étant expliqué, nous revoici maintenant à notre question de base. Est-il intéressant de traiter nos pigeons avec un antibiotique contre la paratyphose après les concours ?

Les arguments pouvant pousser pour le « oui » sont que, effectivement, vu la possibilité de portage asymptomatique de certains pigeons. Il est possible que les pigeons soient porteurs de la maladie sans que vous ne le remarquiez vraiment et donc pourrait créer des problèmes durant la période d’élevage par exemple. Cet argument est je pense le seul argument qui me pousserait à répondre « oui » à cette question

Les arguments poussant vers le « non » sont que :

- Tout d’abord cette maladie est plus rare que l’on a tendance à le penser. En effet, beaucoup de colombophiles voyant un pigeon avec une aile pendante n’hésite pas à penser et à clamer que c’est la paratyphose. Hors, pratiquement à chaque fois, il ne s’agit bien sûr pas de paratyphose mais juste une lésion mécanique (entorse, contraction musculaire, déchirure musculaire, tendinite,…) qui sont beaucoup plus fréquente dans ce genre de symptôme.

- Ensuite, comme toujours, si vos pigeons sont en bonne santé, effectuer un traitement antibiotique va, comme déjà expliqué, complètement détruire la flore de votre pigeon et laisser de la place cette fois à des bactéries potentiellement problématiques (alors que tout allait bien, c’est quand même dommage)

- Les résistances de plus en plus nombreuses aux antibiotiques de cette bactérie entraine que vous pouvez très bien avoir des pigeons « porteurs » de la bactérie, traiter avec un antibiotique, et au final, ne rien régler du problème car la souche de salmonella présente dans votre pigeonnier aura accueilli cet antibiotique comme si vous leur donniez de l’eau pure, et se portera d’antant mieux après votre traitement. Alors que vous penserez naïvement que vous ne courrez aucun risques.